Minéraux de calcite de Fontainebleau

Une belle histoire... racontée par Médard Thiry

15 janvier 2021

Médard Thiry, géologue et ancien chercheur du Centre de Géosciences, continue de valoriser les connaissances accumulées durant ses 38 années passées à l’Ecole des Mines. Ce 28 décembre 2020 vient de paraitre une étude, qui a démarrée en 1988… Dans cette publication, il est associé à deux collègues du Centre de Géosciences et à d’autres au BRGM, chez Total ou à l’Université d’Adelaïde en Australie (Thiry et al., 2020a)

Pour cette étude, 30 ans, c’est le temps nécessaire à la collecte et à la réflexion ! Le sujet, date plutôt de 30 000 ans puisque cette découverte bellifontaine permet d’éclairer les environnements du dernier âge glaciaire.

Ces minéraux ont été décrits la première fois il y a 250 ans. Ils sont présentés dans les musées du monde entier. Décrits minéralogiquement de longue date, leur géologie et leur mode de formation n’a jamais soulevé d’interrogation. Ils étaient implicitement considérés comme formés il y a 30 Millions d’années, pendant le dépôt des Sables de Fontainebleau. Ce sont des calcites, c’est-à-dire du carbonate de calcium (CaCO3), qui peuvent atteindre plusieurs centimètres. Outre leur esthétique, leur particularité est d’englober les grains du sable lors de leur croissance. Les grands cristaux peuvent englober des millions de grains de sable !

Cristaux de Calcite de Fontainebleau, ancienne carrière des Gondonnières, Larchant (77).

Collection Musée de Minéralogie de l’Ecole des Mines de Paris

La description des occurrences et la disposition des calcites dans le sable ne suivait pas la stratigraphie du sable et laissait entrevoir une origine plus récente, liée à des infiltrations d’eau depuis la surface actuelle. Il fallait donc tenter de dater ces calcites. Les premières datations au Carbone 14 (on date le C du CaCO3) ont donné des âges autour de 30 000 ans. L’intuition était bonne ! La multiplication des échantillons datés confirmait la datation. C’était une première étape qui montrait que les calcites de Fontainebleau sont liées aux périodes glaciaires.

Mais c’est une autre technique, celle de la géochimie des isotopes du Carbone et de l’Oxygène (le C et l’O de CaCO3) qui donne les clés pour déchiffrer les conditions environnementales lors de leur formation. Carbone et oxygènes viennent de l’atmosphère (C du gaz carbonique et l’Oxygène de l’eau de pluie). Voilà pourquoi, on peut à partir de ces isotopes retrouver les conditions environnementales qui régnaient au moment de leur formation. Ainsi, l’interprétation des relations des isotopes de l’Oxygène montre que les calcites rencontrées près de la surface se sont formées aux alentours de 2°C et celles rencontrées à 20-50 mètres de profondeur se sont formées autour de 12°C.

En effet, durant les périodes glaciaires la surface du sol est froide, souvent gelée, mais le froid ne pénètre que lentement les sols et les roches en profondeur gardent pendant un certain temps la température qu’elles avaient avant la glaciation. Les calcites de Fontainebleau se sont donc formées par réchauffement de l’eau froide de surface alors qu’elle s’infiltrait vers la nappe phréatique qui n’était pas encore refroidie. C’est la même réaction géochimique que celle qui fait précipiter la calcite et entartre votre bouilloire quand vous chauffez de l’eau.

Cette découverte montre que pendant les derniers âges glaciaires le Bassin de Paris était couvert de paysages de toundra et que les sols étaient gelés en profondeur de manière presque continue pendant des millénaires. Les paysages ressemblaient à ceux de Sibérie et du Grand Nord canadien aujourd’hui… brrr !

Dans la même foulée … et avec le même « soin », Médard Thiry publie aussi un article pour les amateurs et collectionneurs de minéraux dans la revue « Le Règne Minéral » (Thiry et al., 2020b). L’article comprend un historique des calcites de Fontainebleau, leur description et surtout des planches photos de très grande qualité et les échantillons de collections exceptionnels. La revue n’est disponible que chez l’éditeur. https://www.minerauxetfossiles.com/produit/le-regne-mineral-n156/

 

Références bibliographiques :

 Thiry, M., Innocent, C., Girard, J.-P., Milnes, A.R., Franke, C., Guillon, S., 2020a. Sand calcites as a key to Pleistocene periglacial landscapes. Quaternary Research, https://doi.org/10.1017/qua.2020.98

 Thiry, M., De Ascenção Guedes, R., Chiappero, P.-J., Martaud, A., 2020b, Les calcites de Fontainebleau, Seine-et-Marne, et autres calcites sableuses revisitées …, Le Règne Minéral, 156, p. 7-37