Soutenance de thèse de Loïc MARLOT

Quelle variabilité climatique à venir ? Enseignement des archives sédimentaires de l'Eocène moyen du Bassin de Paris

Le 31 mars 2023

Résumé de la thèse en français

Les émissions anthropogéniques modernes de gaz à effet de serre ont conduit à une augmentation rapide et sans précédent des températures. Même s'il n'existe pas d'analogue climatique passé strictement identique au changement climatique en cours, les nombreuses variations climatiques que la Terre a connu au cours de son histoire peuvent nous fournir des informations essentielles concernant la compréhension des changements climatiques à venir. L'Optimum Climatique de l'Eocène Moyen (MECO), qui a eu lieu pendant le Bartonien, entre 40,5 et 40 Ma, est le dernier événement hyperthermique du Paléogène connu. Il est caractérisé par une augmentation de 4 à 6 °C des eaux de fond et de surface océaniques en lien avec une augmentation de la pCO2 atmosphérique, ce qui en fait un très bon analogue du réchauffement climatique actuel parmi les hyperthermaux du Cénozoïque. Les caractéristiques du MECO sont bien connues en domaine océanique, cependant, certains aspects de son histoire climatique tels que les variations saisonnières de températures ou les variations des flux sédimentaires à la transition continent – océan restent encore peu documentées. Cette thèse a donc eu pour objectif d'identifier et de caractériser la manifestation climatique du MECO en domaine littoral afin de (1) documenter l'évolution des températures moyennes et du gradient saisonnier de température dans cet environnement, et (2) déterminer la réponse sédimentaire qui lui est associée. Pour cela, nous nous sommes intéressés au Bassin de Paris, qui est un bassin intracratonique, dont le remplissage sédimentaire est bien connu à l'Éocène moyen. De plus, le contenu paléontologique du Bassin de Paris est extrêmement diversifié et très bien préservé, notamment concernant les mollusques, qui constituent un support fiable de l'information paléoclimatique. Nous avons ici adopté une démarche multi-outils, couplant à la fois une approche terrain et laboratoire. Dans un premier temps, nous avons mené une étude sédimentologique et analysé le contenu paléontologique sur 8 affleurements du nord du Bassin de Paris. Dans un second temps, des observations sclérochronologiques et des analyses géochimiques (18O, 13C, ∆47) ont été effectuées sur des mollusques marins et des foraminifères benthiques afin de reconstruire les variations des paléotempératures au cours du Lutétien et du Bartonien. L'évolution des différents faciès sédimentaire au cours de l'Éocène moyen indique le passage progressif depuis un environnement de plateforme carbonaté ouverte au Lutétien à un environnement estuarien, silicoclastiquese fermant progressivement pendant le Bartonien. Au sein de cette grande tendance progradante, trois cycles sédimentaires de 4ème ordre ont été observés Le maximum de température observé se situe dans cette phase progradante du premier cycle sédimentaire ; ce niveau est associé au pic de réchauffement du MECO identifié en domaine océanique à 40,2 Ma. Ce marqueur climatique nous a permis d'effectuer des corrélations à l'échelle du bassin et de préciser le cadre stratigraphique des dépôts bartoniens du Bassin de Paris par une approche chimiostratigraphique. Du point de vue climatique, ces analyses géochimiques ont montré que le MECO est caractérisé en domaine littoral par une augmentation des températures moyennes d'environ 6 °C. Le gradient saisonnier de température est quant à lui passé de 10-12 °C avant le réchauffement, à près de 18 °C pendant le pic de température. Du point de vue sédimentologique, le MECO est potentiellement associé à une augmentation des flux sédimentaire, en lien avec une augmentation des précipitations causées par le réchauffement climatique, venant contrebalancer l'augmentation du niveau marin global. Cette étude a donc confirmé que le MECO est bien enregistré dans la partie inférieure du Bartonien du Bassin de Paris et qu'il a un impact à la fois sur les températures et sur la sédimentation en milieu littoral en domaine intracratonique.

Résumé de la thèse en anglais

The increasing modern anthropogenic greenhouse gases emissions led to a fast and unprecedented global warming. Even if none of the past climatic events can be considered as a strict analogue for present day global warming, their analyses can provide key insights to understand the forecoming climate change. The Middle Eocene Climatic Optimum (MECO), one of the last hyperthermal event of the Paleogene, is a transient global warming that occurred between 40.5 and 40 Ma during the early Bartonian. The MECO is characterized by a CO2 driven bottom and surface oceanic water warming of 4 – 6°C, making it a good analogue to present day global warming. This event has been well studied in the oceanic domain. However, several climatic parameters such as seasonal temperature and sedimentary flux variations in coastal and continental environments are still poorly documented. The aims of this thesis is to identify the MECO in coastal domain in order to characterise: (1) its impact on mean and seasonal temperature variations and (2) its associated sedimentary flux. We focused our study on the intracratonic Paris Basin due to its stable and continuous sediment infilling during middle Eocene as well as its rich and well-preserved paleontological content. Among this, molluscs are the most represented fossils and constitute trustworthy paleoclimate signal bearers. We chose a multi-proxy approach by coupling field and lab studies. We started with sedimentological and paleontological study of 8 sites in the northern part of the Paris Basin. Then we proceeded sclerochronological and geochemical (δ18O, δ13C, ∆47) analysis of the marine molluscs and benthic foraminifera to reconstruct Lutetian and Bartonian paleotemperature variations. The different sedimentary facies observed show the gradual transition from an open marine Lutetian environment to a progressively filled estuary during Bartonian. Within this prograding tendency, three 4th order sedimentary cycles were observed in the Bartonian deposits of the Paris Basin. The highest temperatures have been measured in the first regressive sedimentary cycle and have been associated to the peak of the MECO at 40.2 Ma. We used this strong climatic signal to correlate Bartonian deposits inside the Paris Basin using a coupled sequence stratigraphy and chimiostratigraphic approach. Those isotopic analysis revealed that the MECO in the coastal environment of the Paris Basin is characterised by a 6 °C mean temperature rise. The seasonal temperature range went from 10-12°C before the event to nearly 18°C during the maximum warming. Sedimentological observations suggest that the MECO warming could be associated with enhanced sedimentary flux, triggered by increasing rainfalls, that could have countered the global sea-level rise. Finally, this study confirms that the MECO has been recorded in the Paris Basin lower Bartonian. This event impacted both temperatures and sedimentation in coastal environment.

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