Évolution de l’altitude des Pyrénées Orientales depuis 6,5 millions d’années

10 février 2021

Damien Huyghe observe un affleurement naturel au pied d’un mur en pierres.

L’altitude d’une chaîne de montagnes est un paramètre qui reflète au premier ordre l’interaction entre les processus tectoniques qui induisent un soulèvement des terrains, et les processus climatiques qui contrôlent l’érosion et la redistribution du matériel depuis les zones hautes vers les zones en dépression. La reconstitution de l’altitude d’une chaîne de montagnes au cours du temps (paléoaltitudes) est une thématique relativement récente qui s’est développée depuis le début des années 2000. Le principe de base repose sur le fait que la composition isotopique en oxygène 16 et 18 des précipitations (pluie ou neige) diminue de manière linéaire avec la température et donc avec l’altitude. L’analyse de minéralisations anciennes, d’origine biogène (restes de mammifères, mollusques continentaux, …) ou inorganique (nodules de sols, minéraux néoformés, …) formés à partir de l’eau de pluie permet donc de reconstituer l’altitude d’une zone donnée à une période donnée.

 

Schéma structural des Pyrénées Orientales et localisation des sites étudiés (Huyghe et al., 2020)

Dans ce cadre nous nous sommes intéressés au cas des Pyrénées orientales, qui présentent une altitude anormalement élevée par rapport au reste de la chaîne, avec des sommets tels que le Pic du Canigou avoisinant les 3000 m. Dans le but de déterminer si cette partie de la chaîne a été soulevée récemment ou non, nous avons analysé des restes fossiles datant du Miocène supérieur (6,5 Ma) provenant de deux sites distincts, localisés dans le bassin de Cerdagne, actuellement à 1100 m d’altitude et dans la plaine du Roussillon, resté à basse altitude (200 m). La comparaison de ces deux sites permet de convertir le différentiel isotopique mesuré en paléo-différentiel altitudinal en s’affranchissant de l’influence des changements climatiques passés.

Incisives de petits rongeurs dont la composition isotopique en oxygène 16 et 18 permet de reconstituer l’altitude des Pyrénées Orientales il y a 6,5 Ma.

Les résultats obtenus (Huyghe et al, 2020) attestent d’un soulèvement du bassin de Cerdagne de 500 m depuis les derniers 6.5 Ma. Cette tendance est surprenante étant donné que la collision pyrénéenne n’est plus active depuis 23 Ma. L’origine du soulèvement des Pyrénées Orientales est donc plutôt à rattacher à l’ouverture du Golfe du Lion, initiée il y a 20 Ma. Cette océanisation a induit un amincissement de la croûte continentale et une remontée du manteau chaud, ce qui permet de créer et de maintenir sur le long-terme une topographie anormalement élevée.

Le lac des Bouillouses en bordure du bassin de Cerdagne dans les Pyrénées Orientale, soulevées de 500 m depuis 6.5 Ma

Ref : Huyghe, D., Mouthereau, F., Ségalen, L., Furiò, M, 2020. Long-term dynamic topographic support during post-orogenic crustal thinning revealed by stable isotope (18O) paleo-altimetry in eastern Pyrenees. Scientific Reports 10, 2267.

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